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Fleurs d’antan pour parfums innovants

A rebours d’une société gouvernée par l’éphémère, les marques de parfum puisent un peu d’éternité dans l’herbier traditionnel. Cultiver quelques fleurs oubliées dans les flacons, c’est refuser peut-être cette tyrannie de la nouveauté qui veut qu’un parfum chasse l’autre sans même attendre la fin de la saison. L’Occitane en Provence remonte ainsi le temps à la recherche d’un patrimoine botanique enfoui.
A la demande de la marque, Anne-Sophie Bouville, doctorante à l’Institut de chimie de Nice, a parcouru quelques ouvrages d’histoire de la parfumerie pour en exhumer huit cents plantes odorantes tombées en désuétude. Le mélilot, l’aubépine et la barbotine ouvrent le bal des pétales, inaugurant cette collection intitulée Fleurs inoubliables. Pour chacune d’entre elles, le pari a consisté à identifier la méthode d’extraction qui permette d’exprimer la moindre nuance. Ce qui est parfaitement inédit dans le projet de L’Occitane, c’est d’avoir été un cran plus loin en relançant des filières de production et en accompagnant ses partenaires pour cultiver ces raretés de manière responsable et durable.
En choisissant la barbotine (aussi appelée tanaisie), petite fleur aux tonalités médicinales qui n’est pas sans rappeler le romarin, le nez Fabrice Pellegrin a cherché d’autres couleurs que celles que lui offrent le jasmin et la tubéreuse qu’il aime tant. « Cette fleur d’un jaune puissant, qu’on croise sur les chemins du Sud sans qu’on remarque vraiment sa signature olfactive, exhale son odeur charmante dès qu’on la touche. Je tenais à lui rendre hommage. » Le parfumeur grassois n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai : il avait déjà puisé dans l’herbier séculaire la fleur d’absinthe à l’arôme miellé qu’il a glissée dans la formule de Bel Absinthe, de Roos & Roos.
Hommage à la biodiversité, ces beautés sans manières s’accommodent à merveille des molécules contemporaines auxquelles on les marie. Dans ce florilège des fleurs oubliées, il y a, entre autres, l’œillet, la cassie ou le pois de senteur. La parfumerie réussit même à faire découvrir des fleurs qu’on ne trouve plus chez le fleuriste. Qui avait déjà entendu parler de l’hysope, aux effluves aromatiques camphrés et herbacés, avant que Chloé ne glisse cette fleur d’antan au cœur d’un parfum de la collection l’Atelier des fleurs ?
Spécialiste des extraits naturels, la société Robertet est la seule à proposer un extrait d’hedychium (le lys papillon), fleur exotique aux inflexions de gardénia et de gingembre qu’on retrouve au cœur du parfum La Terre, de la marque Floratropia. Le paradoxe, c’est que ces fleurs démodées représentent une source fascinante d’innovation pour la parfumerie.
C’est un peu comme si Nick Knight, le photographe britannique qui a redonné vie à des fleurs abandonnées dans les archives du Musée d’histoire naturelle de Londres, s’était mêlé de parfumerie. La cible visée par les marques, en plongeant dans un passé parfois lointain, n’est pas celle qu’on croit. « Ces fleurs vintage présentent un caractère de nouveauté et même un côté très exclusif pour les nouvelles générations », ajoute Stéphane Demaison, responsable de la cellule olfactive du groupe Coty. La parfumerie, qui est née du pouvoir des fleurs, pourrait bien être sauvée de l’ennui par celles-ci.
Lionel Paillès
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